Anonyme

Publié il y a plus de 4 ans

Désarroi face à l'hypersensibilité

Je n'ai pas toujours compris que j'étais hypersensible. Pourtant, si je me remémore mes années passées, il y a toujours eu des signes assez clairs. Enfant, j'ai toujours eu des problèmes à avoir des amis sur la longue durée. Et si j'en avais, c'était toujours des relations individuelles. Je n'ai jamais aimé les groupes d'amis, de peur d'être jugée sur ce que j'allais dire, de peur de ne dire que des choses inintéressantes, de peur que les autres se moquent de moi. Ce qui est étonnant, pourtant, c'est que je n'ai aucun problème à me faire des amis. Je pense être une personne assez ouverte qui va spontanément vers les autres, particulièrement si une personne est seule. Lors de formation ou de cours où une personne se trouve toute seule, je suis la première à ressentir de la peine pour elle et à aller vers elle afin qu'elle ne soit plus seule.
J'ai toutefois été victime de harcèlement scolaire; je pense que j'étais une proie particulièrement facile pour les autres parce que j'étais différente. Pendant longtemps, ma mère m'a reproché d'être le problème, ce qui n'a fait qu'accroître mon sentiment de différence et mon manque de confiance en moi.

En grandissant, j'ai remarqué que j'avais de plus en plus besoin de temps pour moi. J'ai fait plusieurs années d'internat, dont trois ans où je devais partager ma chambre avec d'autres filles. Je me réjouissais que des moments où j'allais être seule dans ma chambre. J'avais besoin de ces moments pour me ressourcer. Quand j'ai enfin eu ma chambre toute seule, ça a été un grand soulagement. La période de l'adolescence a été plutôt difficile, je n'avais absolument aucune confiance en moi et tout ce que les gens pouvaient penser de moi ou dire de moi était très difficile à supporter. C'est à ce moment que j'ai commencé à m'automutiler. Les lames de rasoir qui venaient couper ma peau me soulageaient du trop plein d'émotions que je ne savais évacuer d'une autre manière. Aujourd'hui, j'ai laissé tomber les lames de rasoir, mais il m'arrive fréquemment de me taper la tête contre les murs, de me mordre jusqu'au sang, de m'arracher les cheveux quand je n'arrive pas à faire face à mes émotions.

Aujourd'hui j'ai 24 ans et je n'arrive toujours pas à vivre avec cette hypersensibilité. Je ne supporte aucune remarque, de n'importe quel ordre qu'elle soit. Je ne supporte pas qu'on élève la voix contre moi. Les larmes me montent directement aux yeux, ce qui a pour effet d'énerver automatiquement mon copain. Je ne supporte pas le bruit, le simple tic-tac d'une horloge m'horripile à tel point que je ne peux pas travailler dans la pièce où se trouve cette horloge. Lorsque quelqu'un éternue trop fort à côté de moi, ça m'irrite. Je me réveille à chaque bruit, à chaque craquement d'escalier, chaque clé tournée dans la serrure. Les odeurs me font aussi voir de toutes les couleurs. Depuis quelques temps, je ne peux plus porter de parfum. L'odeur me monte fortement à la tête et me donne la nausée. Je ne supporte pas non plus lorsque les gens que je croise sont trop fortement parfumés. A nouveau, j'en ai directement la nausée. Dans le train, lorsque les personnes mangent quelque chose qui a une odeur trop forte, ça m'importune directement. Je suis obligée de mettre mon écharpe devant mon nez. Je déteste que les personnes de ma famille me touchent. Souvent, mon frère veut me faire des bisous ou me prendre dans ses bras. Je me laisse parfois faire pour lui faire plaisir, mais rapidement j'ai besoin de retrouver ma liberté.
Je suis très sensible aux émotions des gens. Si une personne dans mon entourage est triste, je suis triste. Si elle est heureuse, je suis aussi heureuse. Trop souvent, je pleure devant un film ou lorsque je lis un livre. Il m'est arrivé de jeter un livre à travers ma chambre tellement j'étais triste et en colère, et de pleurer sans pouvoir m'arrêter. Il m'est trop souvent arrivé de pleurer en voulant réconforter une personne qui était en train de pleurer. Je déteste aussi ce sentiment d'impuissance, lorsqu'une personne souffre et que je ne peux rien y faire. J'en viens même à avoir de l'empathie pour des gens que je ne connais pas du tout et dont je ne connais rien. Par exemple, si je vois quelqu'un dans la rue qui est plutôt gros et qui a l'air triste, ça me brise directement le coeur. Je m'imagine directement qu'il est victime de brimades et de moqueries et ça me fend le coeur.
Je m'investis à 200% dans mes études, tout ce que je fais doit être absolument parfait à mon sens. Malheureusement, je suis rarement satisfaite de ce je rends. C'est souvent mon entourage qui me pousse à rendre mes travaux.
Je réfléchis beaucoup beaucoup trop. Mon cerveau fonctionne à 1500 km/h. Une pensée en appelle une autre, et ainsi de suite. Récemment, j'ai correspondu par e-mail avec un des mes professeurs. Sur le moment, ma réponse me semblait approprié. Mais plus tard, j'ai re-réfléchi à ce que j'avais écrit et ma réponse m'a paru beaucoup trop familière. J'en ai fait part à ma mère, pour voir ce qu'elle en pensait. Tout ça pour un e-mail qui au final allait très bien. J'analyse tout ce que les gens me disent. Je décortique absolument tout : et si il avait voulu dire ça ? Mais s'il dit ça, ça veut dire ça, non ?
Encore aujourd'hui, je suce mon pouce. C'est la seule manière que j'ai trouvé pour me calmer. J'en ai besoin pour m'endormir, quand je suis en colère, quand je suis triste. Ça m'aide vraiment à me calmer et cela m'évite de trop me faire mal en me tapant la tête contre les murs.
Je fais des cauchemars à n'en plus finir où je me réveille en sueur au beau milieu de la nuit à ne plus pouvoir me rendormir.
Et la liste serait encore longue...

Aujourd'hui, mon entourage a beaucoup de peine à me comprendre et à comprendre mes réactions. Mon hypersensibilité est souvent la cause de disputes avec mon copain. Il ne supporte pas de me voir pleurer pour tout et pour rien. Il ne supporte pas de me voir changer directement d'humeur lorsqu'il me fait une remarque. Et je n'arrive pas à le lui faire comprendre. C'est une situation qui est très difficile à vivre. Certains jours, j'arrive à porter ma carapace, mais parfois mes émotions sont trop fortes. J'ai vraiment peur qu'il me quitte et cette angoisse est tellement forte que j'en fais régulièrement des cauchemars. Cette angoisse affecte aussi ma relation avec lui.

Aujourd'hui, peu de personnes connaissent cette facette de ma personnalité. Pour la plupart des gens, je suis une fille rigolote qui aime faire rires les autres et qui ne se prend pas au sérieux. Je suis une fille forte qui ne laisse pas transparaître ses émotions. Seuls ma famille et mon copain me connaissent réellement comment je suis. Mais ce sont les personnes qui ne me comprennent pas et qui s'énervent régulièrement à ce sujet...