Ophélie

Publié il y a environ 4 ans

Je crois avoir enfin compris que je suis beaucoup plus sensible que la moyenne.

Depuis que j’ai accouché, je pleure très régulièrement. Il y a la fatigue qui explique en partie ces pleurs, les grands chamboulements de la vie de femme, à celle d’épouse, celle de mère. Mais aujourd’hui, je commence à comprendre que la fatigue n’est clairement pas la cause unique de ces pleurs. En réalité, j’ai toujours beaucoup pleuré, j’ai toujours été à fleur de peau. J’ai vu un psy pour comprendre pourquoi je pleurais régulièrement, ça ne m’a pas aidé outre-mesure.
Je pleure dès que mon mari élève sa voix contre moi ou me parle mal. Etant donné que c’est la personne que j’aime le plus, ça me brise le cœur de savoir qu’à ce moment-là je n’ai pas été assez bien à ces yeux. J’ai peur qu’il ne m’aime plus, qu’il découvre une facette de moi pour laquelle il n’a pas « signé ». Quand une dispute commence à exploser, la première chose que je fais c’est pleurer (pour changer !) et je me recroqueville sur moi-même, ou bien je gueule en disant des mots qu’au fond je ne pense pas vraiment (mais je déteste ça). Je déteste gueuler mais c’est parfois la seule option que j’ai pour ne pas pleurer et donc éviter de paraître « gamine » aux yeux de mon mari. Parce qu’il préfère que j’élève la voix, que je lui fasse des reproches directement, que je m’affirme dans ces moments-là, plutôt que de laisser déborder mon émotion. Mais souvent je n’y arrive pas.

J’ai besoin de plaire, j’ai envie que les autres m’aiment. J’ai toujours les larmes qui montent quand on me fait des reproches. Pourtant, je parviens facilement à entendre des critiques négatives (et je reconnais qu’elles sont vraies et fondées), et je n’ai pas de difficultés à me remettre en question. C’est le fait de ne pas avoir plu à un instant T qui me provoque ces pleurs.

Je pleure souvent au moment de m’endormir, quelques larmes. Je pense à des situations atroces que des personnes vivent (des immigrés, des personnes sans-abri, des enfants violés…) et ça me prend le cœur. C’est étrange parce que c’est comme si j’en avais besoin, pour me déculpabiliser de penser à moi. Je culpabilise beaucoup quand je pense à moi, quand je fais des choses pour moi. Surtout depuis que je me suis mariée et que notre fille est née. Du fait de notre éducation chrétienne, l’égoïsme est à mes yeux un péché à bannir de sa vie. « Penser aux autres, avant tout, vous rendra heureux », tel pourrait être le dicton de l’Eglise. Je ne pense pas que ce soit un dicton erroné, je pense simplement qu’il peut être source de grande culpabilité pour ceux qui n’arrive déjà pas à penser à eux-mêmes.

Depuis quelques années, j’ai besoin de solitude. J’ai besoin de calme, de silence, de temps long, de « prendre le temps » (et ça énerve beaucoup mon mari qui lui est un hyperactif né). Pourtant, je n’ai jamais été introvertie et ne le suis pas, j’ai toujours eu beaucoup d’amis, j’ai toujours été appréciée d’eux et surtout je parais, à leurs yeux, être la fille pour qui tout réussit, fofolle, drôle malgré elle, naïve… Et je le suis ! Mais c’est loin d’être mon entière personnalité. Quand je suis en soirée, je préfère parler à une personne à la fois, avoir un véritable échange avec elle (ce n’était pas le cas avant). J’ai beaucoup de mal avec les discussions de groupe où personne ne s’écoute vraiment, à la musique mise tellement fort qu’on doit crier pour se parler (ce qui ne m’empêche pas d’adorer danser !). D’ailleurs, j’accorde beaucoup d’importance à la qualité de l’écoute chez l’autre. J’ai dû contenir mon énervement quand mon mari s’est mis à jouer au foot alors que je lui racontais l’appel que je venais d’avoir avec un futur collègue. J’aime l’exclusivité amicale. Mais j’ai souvent peur de les décevoir parce que je ne suis plus que l’Ophélie d’antan (toujours gaie, pleine de joie de vivre, optimiste…). Cela attriste et atteint d’ailleurs mon mari qui aimerait parfois retrouver l’Ophélie qu’il aime. En écrivant cette dernière phrase, je pleure… Mais je ne suis pas qu’avenante, gaie et souriante ! Je suis aussi souvent triste, ultra-sensible aux difficultés des hommes, les conflits me sont difficiles à vivre, j’ai besoin de travailler pour sauver le monde et me sentir utile auprès des plus vulnérables, je suis extrêmement empathique ce qui me crée des angoisses qui me plongent dans des moments de mélancolie profonde…

Ma famille trouve que j’en fais trop, surtout mon père qui me l’a déjà reproché. Je leur ai souvent demandé si je pouvais aller consulter un psy, ils n’ont jamais vraiment compris pourquoi j’en avais besoin, sans même chercher à comprendre. C’est très dur de vivre en débordement émotionnel permanent. Personne ne comprend. Alors j’essaie de tout relativiser, de considérer ma chance d’être née dans une famille aisée, d’avoir un mari aidant et aimant, une merveille de petite fille sans problème mental ni physique. Je me demande si c’est parce que la vie m’a beaucoup gâtée que je sur-réagis face aux épreuves ou si c’est simplement que je suis une hyper-sensible… Ce que je sais en tout cas, c’est qu’aujourd’hui j’ai besoin d’apprendre à vivre avec, à comprendre comment je fonctionne pour arrêter de culpabiliser d’être qui je suis.

J’ai beaucoup besoin d’être rassurée sur ce que je dis, sur ce que je fais. J’ai très peu confiance en moi. Un psy que j’ai eu au téléphone 4 mois après avoir accouché m’a dit cette seule phrase (que j’ai très rarement entendu dans ma vie) : « faites-vous confiance ». Eh bien je me la répète tous les jours depuis. C’est la plus belle phrase qu’on m’ait dite jusqu’ici. Encore une fois, je pleure. J’ai pourtant, aux yeux de la société et de ma famille, tout d’une « belle-fille parfaite » comme disent mes beaux-parents. Je déteste ces deux termes. Certes, je suis perfectionniste dans mon travail, j’aime la rigueur et le travail accompli, bien fait. Mais entendre dire que je suis « parfaite » me met une pression de fou, me fatigue mentalement, et ne rebondit pas du coup comme un compliment dans ma tête.

Autre chose, j’analyse tout. Je m’analyse énormément, je juge beaucoup mes propos. J’ai parfois l’impression d’être schizophrène. C’est fatiguant, j’en peux plus. Je pense que ça rejoint la confiance en soi. Si j’avais davantage confiance en moi, peut-être arrêterais-je de me regarder vivre ? J’ai toujours l’impression que je dois prouver que je suis forte, intelligente, à la hauteur de tout. J’aimerais tellement vivre dans un monde où la vulnérabilité est vue comme une grande qualité et non comme une tare à cacher.

J’ai de sacrés sauts d’humeur. La faute aux hormones ? Parce qu’un rien m’impacte ? Les deux ?? Les cris m’insupportent, me rendent triste, le silence m’apaise énormément. C’est comme si brûlait en moi une boule d’émotion qui par moment, faute de contenant, explose. Explose à la moindre goutte qui fera déborder le vase. Et ça me fatigue. Je me sens tellement fatiguée en ce moment et mon mari n’en peut plus de m’entendre dire que « je suis fatiguée » (alors certes 5 mois de nuits raccourcies + inactivité professionnelle jouent beaucoup sur cette fatigue) mais je pense qu’il y a aussi une grande fatigue mentale que je ne parviens pas à calmer. Deux choses m’apaisent : le sport et la méditation. Je crois qu’il faut que j’approfondisse la méditation.

Je déteste aussi quand on me demande « comment ça va ? ». Je ne sais jamais quoi répondre. Je n’ai pas envie de répondre parce qu’un coup ça va bien, un coup ça ne va pas, mais me mettre à raconter ce qui ne va pas serait trop long et souvent, je ne me comprends pas moi-même. Alors trouver les mots justes qui décrivent mon état, la belle affaire !

Je crois que le plus difficile c’est de ne pas arriver à faire comprendre aux autres pourquoi on pleure autant, pourquoi la vie nous semble tellement injuste, pourquoi d’un coup on a envie de taper toutes les personnes qui nuisent à notre calme intérieur, pourquoi notre cerveau ne se met jamais sur off. Mais j'ai tellement envie d'apprendre à m'aimer comme je suis...